Les cabines de Louise

Louise a 22 ans quand elle arrive à la Maison des femmes, comme beaucoup d’autres, par le bouche à oreille. Une amie lui a dit de passer.  Nous sommes en avril 2015. Elle a une petite activité de vente de crédit de téléphone qui lui rapporte peu. A cette activité, elle ajoute de temps en temps la vente de litres de pétrole, pour s’en sortir un peu mieux.

Louise vit seule à l’époque.

Louise a arrêté l’école très tôt (en cours de 6ème), elle sait déchiffrer, signer et écrire des mots simples. Elle vit chez ses parents, et partage avec sa famille une maison de 3 pièces, qui n’a pas l’eau courante, ce qui reste très courant à Brazzaville. Louise est bien décidé à s’en sortir, et pour cela elle a une piste, elle veut pouvoir acheter ses crédits directement aux distributeurs, pas aux intermédiaires.

Elle s’engage donc dans la formation pour avoir le crédit. Durant la formation qui commence à l’automne 2015, elle est attentive, jamais absente. Et elle discute beaucoup avec l’équipe.

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La première chose qu’elle fait avec le microcrédit proposé dans le dispositif de formation est d’acheter directement des crédits à AIRTEL et NTM, les deux principaux opérateurs de téléphonie de Brazzaville. Ensuite, après en avoir discuté longuement avec Françoise, elle chercher une place mieux adaptée à son commerce et s’y installe.

Très vite, le commerce se développe très bien et Louise est ravie. Elle travaille sérieusement, ne se laisse jamais surprendre sans crédit, et elle réinvestit systématiquement ce qu’elle gagne. Tant et si bien – et cela la surprend elle-même – qu’en début 2016, elle propose à deux autres femmes de travailler dans les cabines qu’elle crée dans le quartier périphérique de Nganga Lingolo. Et les affaires tournent rond.

Au printemps 2016, la réélection contestée du président sortant aggrave les tensions politiques et sociales, et une guerre larvée s’installe au Pool.  L’omniprésence des militaires dans les rues, des échauffourées ponctuelles, génèrent beaucoup d’angoisse. L’incertitude du lendemain se réinstalle dans une ville qui reste traumatisée par la guerre civile de 2002. Les difficultés de circulation, les problèmes d’approvisionnement, les coupures d’énergie ne cessent pas.

Louise est sur un marché stratégique – les télécommunications – qui subit de nombreuses pressions. Les connexions Internet sont mauvaises ou coupées, les réseaux ont bien du mal à fonctionner. Il y a peu de temps, l’armée a interdit la vente de crédits téléphoniques dans le quartier de Nganga Lingolo. Les deux cabines y sont en standby.  Mais Louise a du répondant et a déjà créé d’autres cabines dans des avenues de Brazzaville.

Et quand on lui demande – il y a peine quinze jours – comment elle va, elle répond avec un beau sourire « aujourd’hui, je suis fière de moi, de tout ce que j’ai fait avec le crédit et la formation ». Elle ajoute qu’elle a « un projet plus important, que ça c’est l’étape 1 ».

Nous aussi, nous sommes très fiers de Louise, une jeune femme pleine d’idées, qui a bien compris le fonctionnement de son marché, et qui, avec seulement deux ou trois règles simples de gestion, a su développer son activité, et sait conserver maintenant sa confiance en elle quand les vents sont contraires.

Voilà bien pourquoi nous cherchons à développer les programmes de la Maison des femmes. Nous offrons pour le moment une formation basique sur la gestion pour des femmes travaillant dans l’économie informelle. Et Louise est, parmi d’autre, la preuve de son efficacité. Mais nous aimerions pouvoir accompagner les femmes comme Louise plus loin, et leur permettre d’acquérir des ressources – connaissances, financement – qui sont nécessaires à la poursuite de son développement, jusqu’à l’économie formelle. Nous en reparlerons.

PS. Depuis sa formation, Louise a eu un bébé, et fait suffisamment d’économies pour acheter une petite parcelle à 750 000 F dans une zone près du fleuve Congo, aux limites de Brazzaville. 

 

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