La solitude de la micro-entrepreneuse

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Quand nous avons créé la Maison des femmes de Bacongo, au coeur du marché de Bacongo à Brazzaville (République du Congo), nous voulions principalement répondre à un besoin flagrant de formation. Notre expérience auprès des femmes vendeuses, et les difficultés qu’elles avaient eues à bien utiliser les microcrédits que nous leur distribuions, nous avaient poussés à modifier notre offre.  Il fallait avant tout les aider à se professionnaliser.

Deux ans plus tard, les choses sont en place, les formations se déroulent au mieux et une petite communauté se construit autour de la Maison des femmes. Une jeune formatrice quadrilingue vient de rejoindre l’équipe.

Mais à bien y regarder, la Maison des femmes doit aller beaucoup loin dans son offre. Un exemple : l’équipe qui anime la Maison est déjà intervenue plusieurs fois dans des petits conflits qui règnent périodiquement entre les femmes et les acteurs qui gèrent le marché (agents de la Mairie, police). Ces disputes sont liées au désordre qui règne dans l’attribution des tables du marché et les taxes qui en découlent. Quand une femme a à faire aux agents de la mairie, le fait d’être représentée par la Maison des femmes lui permet d’être mieux écoutée et entendue.

Au mois d’octobre dernier, de violents soulèvements ont eu lieu à Brazzaville suite à l’organisation d’un référendum qui permettra au Président N’Guesso de rester encore quelques années de plus au pouvoir. Brazzaville a été paralysée et inquiète (la guerre civile n’est pas si loin dans les mémoires), le bilan pour l’économie est évidemment désastreux. Les femmes se sont arrêtées de travailler, par peur ou par manque de marchandises et/ou de clients. Suivant les endroits où elles travaillaient, les femmes ont supporté des conséquences plus ou moins graves : certaines d’entre elles ont encore aujourd’hui du mal à se ravitailler, d’autres remontent tout doucement leur stock.

Les conditions dans lesquelles ces femmes mènent leurs activités sont difficiles : tension sociale omniprésente (au moindre match de foot, les rues sont bloquées et la police patrouille), infrastructures délabrées, manque d’électricité quasi quotidien (pas très amusant de rentrer chez soi dans le noir, surtout les jours d’émeutes), prix exorbitants des transports, instabilité des prix des produits de base, sans oublier les accidents de la vie et les problèmes de santé qui laissent les femmes dans un total dénuement (pas de sécurité sociale). La vie d’une micro-entrepreneuse à Brazzaville est tout sauf un long fleuve tranquille, et ses rentrées d’argent dépendent de tant de paramètres que cela donne le vertige.

C’est pourquoi, la Maison des femmes, centre de formation, se doit de devenir aussi un lieu de soutien aux femmes – soutien « juridique » pour les aider à faire face aux conflits avec les acteurs du marché et/ou leur permettre de mieux comprendre les règles qui régissent ces marchés, soutien actif quand l’activité ne fonctionne pas ou mal (réajustement des remboursements, discussions et échanges pour construire un nouveau projet, refinancement).

Ce soutien est d’autant plus important que notre expérience nous a permis de comprendre que, derrière des relations qui semblent ouvertes et conviviales, les femmes vendeuses restent souvent très seules face aux problèmes liés à leur activité. Et cela les accable. Discuter et être soutenue, voilà qui ne résout pas tout, mais qui permet de reprendre son souffle, de mieux circonscrire les problèmes auxquels on se heurte, et de constater qu’en parler permet d’y réfléchir de manière ouverte et de trouver des aménagements. C’est une autre façon de se professionnaliser.

Alors oui, la Maison des femmes – centre de formation, centre de soutien et de ressources – appelons la incubateur – doit être une opportunité formidable pour toutes les femmes qui travaillent dans une grande précarité sur les marchés de Brazzaville.

Reste à nous de trouver les moyens qui lui permettront de devenir cet incubateur. 

 

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