Article écrit par Cherubin W. Gamboh, chargé de l’événementiel
Le 14 juillet 2022, le jour même de la fête nationale de la France, dans l’après-midi, une rencontre a eu lieu à Bacongo, au sein de « la Maison des femmes », entre les mamans invitées pour la circonstance et les membres de FAFA Brazzaville.
Le thème abordé était en rapport avec la crise multidimensionnelle que connait le monde, suite au conflit russo-ukrainien. Cette situation qui fait couler beaucoup d’encre à ce jour, n’a pas épargné l’économie, le marché et les foyers congolais.
L’objectif de cette rencontre était de récolter des informations essentielles sur le comportement des mamans face à cette difficulté, et de comprendre quelles stratégies elles ont bâties pour la surmonter, la contourner ou l’affronter. Qu’est-ce qu’elles font concrètement, d’abord en tant que vendeuse sur le marché, puis femme au foyer, ou encore femme seule ?
14 femmes ont répondu à cette invitation. Elles vendent de l’épicerie, de la friperie, des oignons, des aubergines, de la layette, de l’eau et du pain, des gâteaux, yaourts et jus de fruits, l’une d’elles fait de la vente de plats à emporter.
Quelques témoignages de femmes
1. Nous nous battons… le lait que nous achetions à 2500 francs est actuellement vendu à 5.000 francs. La quantité (mesure) que nous faisions quand le lait était à 2500, n’est plus la même que celle que nous faisons aujourd’hui. Le bénéfice qu’on réalisait à l’époque était aussi de 2500 (soit 100%) et maintenant je ne gagne plus que 1500 ou 1000 francs. Nous sommes en train de nous battre de cette manière, et l’essentiel est que le capital ‘‘ ne tombe pas’’ ; nous veillons sur le capital.
A la maison on se nourrissait à 3000 francs (popote journalière) et actuellement c’est descendu à 2000 et on continue à se battre ; c’est vraiment difficile. La quantité de nourriture initiale a aussi diminuée car le bénéfice que je réalisais auparavant n’est plus le même par conséquent, le montant journalier de la popote aussi diminue.
2. Comme ma précédente collègue vient de le signifier : avant, nous achetions le sac d’oignons à 15.000 francs ; actuellement le prix de ce même sac a augmenté à 30.000 francs. Auparavant on faisait un tas de 7 oignons à 500 francs, mais là, nous ne pouvons plus le faire ainsi, nous sommes descendues à un tas constitué de 5 oignons. Pour les plus petits oignons, on peut rassembler 4 unités pour un tas de 250 francs. Nous sommes en train de nous battre en veillant sur le capital et en faisant tout le nécessaire possible afin que ‘‘le capital ne tombe pas’’. Avant, le bénéfice qu’on réalisait par sac s’élevait à 5.000 francs, mais à ce jour il est très difficile de trouver 5.000, parfois nous faisons un bénéfice de 3.000 francs. Si l’on ne fait pas attention en constituant ces tas, tout l’investissement peut s’effondrer. Lors de l’achat des oignons en gros, tout se joue sur le choix ; il faut choisir un sac bien chargé car si ce n’est pas le cas, et, qu’à l’intérieur s’y trouvent aussi des oignons pourris, il faut alors s’attendre à des pleurs.
Quand je réalise une vente d’au moins 2.000 francs, en ce moment j’en profite pour diversifier mon activité, en achetant des aubergines pour que le petit bénéfice que pourrait engendrer cette seconde activité me serve à renforcer le capital des oignons. Ça devient compliqué ; pareillement pour la popote : la popote journalière s’élevait à 3.000 francs mais actuellement c’est descendu très bas ; c’est compliqué…2000 ou 1500 ce n’est pas facile, l’Ukraine, l’Ukraine…
Nous sommes en train de souffrir ; même s’il faut aller prendre du crédit chez FAFA, pour rembourser, ça devient un vrai problème. Or avant cette situation, quand nous vendions, nous gagnions quelque chose ; compte tenu de cette situation, il est devenu difficile de nous en sortir. Actuellement nous vivons une situation difficile, personne n’est épargné.
3. « Auparavant nous achetions le sac de bissap à 150.000 francs ; en ce moment il est passé à 250.000 à tel point qu’aujourd’hui je ne peux plus exercer ce commerce. Heureusement que j’exerce d’autres activités telles que le commerce des colorants. J’ai arrêté avec le bissap et le gingembre. Avec l’arrêt de ces deux activités, la recette actuelle est revue en baisse.
4 Tel que vous l’a dit maman Belvie, toutes les marchandises sont revues à la hausse, et le petit bénéfice que nous gagnons s’est encore amoindri. Depuis l’arrivée de la guerre de l’Ukraine, tous les prix ont flambé ; avec le peu que nous gagnons, nous nous battons à résoudre tous nos petits problèmes : le loyer, la popote,… nous traversons des moments difficiles.
5. Je vends actuellement les sacs à main (friperie). Le ballot de 40 kilos s’achète à 75.000 francs. Pendant la vente, si je peux déjà réaliser un succès de 40.000 francs, il est difficile d’atteindre les 35.000 francs. Pour le reste de la marchandise, j’établis une stratégie, consistant à la baisse (solde) des prix des articles restants.
6. J’avais une boutique de mèches à Kinkala. Je suis femme seule. Si je peux renforcer la sécurité de la porte de ma boutique, et si je peux acheter de nouvelles mèches, je redécollerai. »
7. J’ai géré une Boucherie à domicile mais mon logeur n’appréciait pas le flux de clients qui fréquentaient ma boucherie : alors j’étais contrainte d’arrêter cette activité pour me lancer dans la vente ambulante de yaourt. Je suis en train de me battre afin de gagner de quoi me permettre de relancer ma boucherie dans un autre local.
Mais avec la hausse des prix générés par la crise d’Ukraine pourrais-je m’en sortir ? Les prix ont flambé, le carton de cuisses de poulet est maintenant vendu à 15000 francs, le kilo à 1500 or auparavant le kilo se vendait à 1000 ou 1100 francs, et le carton était vendu à 8500 mais aujourd’hui c’est à 15.000 francs ».
Plusieurs autres témoignages ont surgi de cette réunion, émis par d’autres mamans allant toujours dans le même sens des difficultés rencontrées sur le marché tant dans l’approvisionnement que dans la vente. Il est devenu de plus en plus difficile pour ces femmes de réaliser les mêmes recettes et bénéfices qu’il y a quelques mois.
C’est dans cette ambiance qu’un petit sandwich a été offert aux mamans, du jus ainsi que de l’eau. A la fin, toutes les mamans dans l’unanimité ont remercié FAFA de cette attention particulière qu’elle a bien voulu leur accorder en cette période difficile marquée par une crise, et de cette initiative qui leur permet d’échanger des expériences et de cultiver un esprit de réflexion et de complicité entre les mamans d’une part, et d’autre part entre les mamans et FAFA d’autre part.
Tout le monde en a été satisfait dans une chaleureuse atmosphère FAFA. Il reste néanmoins une question importante : beaucoup de ces augmentations sont comprises comme le résultat de la guerre en Ukraine, mais il parait parfois difficile de comprendre le lien.
Pourquoi la guerre en Ukraine ferait-elle grimper les prix des oignons sur les marchés de Brazzaville ? Ce conflit a un impact sur beaucoup des marchandises de base (céréales, et même sur les poulets qui, à Brazzaville, sont en grande majorité importés), mais il crée aussi une situation opportuniste dont beaucoup profite malheureusement pour augmenter les prix et créer la pénurie.
Fait à Brazzaville, le 18 juillet 2022